Rue du théâtre – Femmes… Je vous aime ! – Le Quat’sous


Rue du théâtre – Femmes… Je vous aime ! – Le Quat’sous

Critique – Théâtre – Bordeaux

Le Quat’sous

Femmes… Je vous aime !

Par Cécile STROUK

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Publié le 10 novembre 2016

La scène du TNBA propose actuellement « Le Quat’sous », création tri-phonique sur la femme ou plutôt la féminité vue à travers le prisme de l’écriture sociologique de la romancière Annie Ernaux. 

De Annie Ernaux, on connaît son ouvrage majeur « Les années » ainsi qu’une vie chahutée par son rapport de tension aux hommes et sa réflexion sur le déterminisme social. Son œuvre est pourtant plus large et, à cet effet, prolifique. Laurence Cordier en fait l’expérience avec cette première mise en scène au TNBA. Captivée par l’« écriture sociologique » de cette auteure, la metteuse en scène a choisi d’assembler des morceaux de 3 romans différents. Triés sur le volet, agencés selon une logique harmonieuse d’un corps qui découvre sa féminité. Dans la honte, la bêtise, l’insolence, la luxure et l’avortement.

Pour exprimer cette traversée de la féminité, Laurence Cordier donne la parole à trois comédiennes de générations différentes. Elles racontent l’histoire de Denise Lesur – une Annie Ernaux romancée – à plusieurs étapes de sa vie, dans une temporalité volontairement déstructurée qui commence par un avortement pour finir par la mort de la mère tant aimée puis tant rejetée. Habitées par cette même « petite garce », elles proposent un jeu tout en nuances où s’entremêlent leur grain de voix : une enfantine, une plus rude et sèche, une plus posée et sage. Mais toujours avec cette même curiosité, sensibilité et insolence attachées au corps. La polyphonie de ce discours renforce son universalisme : il vient parler aux femmes de toutes les générations, mais aussi aux hommes qui ne peuvent que reconnaître la justesse de l’analyse livrée-là.

Désireuse d’éviter l’écueil du statisme scénique que suppose l’adaptation d’un texte littéraire, Laurence Cordier a par ailleurs opté pour une mise en scène vivante. Sur scène, trois panneaux géants, de 3m50, élaborés à partir d’aluminium et d’une matière organique qui fait autant office de miroir, que de passage, de tableau ou de toile sur laquelle on dessine, avec une transparence qui permet d’être toujours vue. Malgré soi. Ces panneaux sont complétés par des tenues d’une simplicité atemporelle qui se ressemble sans être les mêmes, et par cette boule médusée accrochée en hauteur de laquelle se déploie un gigantesque tissu de soie. Tout en blanc, en mouvement et en sonorité, ces choix scénographiques rehaussent la délicatesse et la douce violence de la pièce.

Dans cette adaptation tricotée autour de la femme, il est finalement question de la féminité comme manière pacifique, sensible et consciente d’aborder le monde.

Cécile Strouk, envoyée spéciale à Bordeaux

 

http://www.ruedutheatre.eu/article/3456/le-quat-sous/